PIERRE PHILIPPE,
L'AUTEUR EXCLUSIF
Réalisateur TV pour Arte, Pierre Philippe est devenu le parolier de Jean Guidoni, puis celui de Juliette, après avoir adapté les chansons de Fassbinder pour Ingrid Caven.
E&E: Les chansons, ça faisait
partie des choses que vous aviez en vie de faire ?
Pierre Philippe: Oui mais Jean Guidoni,
quand je l'ai connu, était sous l'aile de Serge Lama et
de Marie-Paule Belle. Ce n'était pas tellement mon rayon.
- Il vous a fait confiance ?
P. P. : Il savait que j'étais celui qu'il lui fallait pour exister. Moi je me suis dit :
ce type avec lequel je n'ai pas tellement d'atomes crochus, finalement
il sait porter ce que je fais.
- Comment travaillez-vous ?
P. P. : Je ne suis pas quelqu'un
qui a des idées. (Non j'en ai, des idées, mais je
les mets ailleurs). En chanson je me dis: quel est le problème
? Nous avons un chanteur, nous avons un spectacle, il faut intéresser
les gens avec ça pendant une heure vingt... Qu'est-ce qu'on
peut leur proposer ? Je fais des croquis, je fais des plans.
Je fais des schémas. Tout part du schéma chez moi.
Je dessine la générale du spectacle. Pour un disque,
je fais pareil.
Je n'envisage jamais d'écrire une chanson isolée.
Quand on a fait Rîmes féminines, je me vois encore
avec Juliette faire de grands schémas colorés qui
allaient du blanc au rouge foncé en passant par des nuances
de rose et de violet pour indiquer la façon dont certaines
chansons allaient être plus claires que les autres, ou plus
sombres.
J'ai des fractions et je me dis : là je vais faire une chanson extrêmement agressive. Et je fais à nouveau
un schéma pour la chanson, et je me dis : quelle for-me
ça petit avoir, est-ce que c'est une valse musette, est-ce
que c'est un tango, est-ce que ça ressemble à ait
récitatif d'opéra, quel est le thème ? J'agis
à chaque fois comme quelqu'un qui ferait un scénario.
Je pars toujours du scénario. Vous ne trouverez jamais
dans mes brouillons un "départ" de chanson. Je
ne sais pas faire ça.
- Il y a le cinéaste, et il y
a l'enfant qui a très bien connu le music-hall...
P. P. : Je ne suis pas grand-chose
dans le métier mais je suis probablement l'auteur le plus
référentiel de la chanson françai-se! Il
y a des chansons où chaque vers est une allusion à
quelque chose. Ça m'amuse et j'adore ça.
- Vous avez osé une espèce
de logorrhée en chanson que personne n'avait jamais tentée.
Une explication ?
P. P. : On me l'a mille fois reproché.
Ça a été tellement caricatural, ce reproche,
que lorsque Jean Guidoni a fait l'Olympia je lui ai écrit
une réponse aux gens qui trouvent qu'il y a trop de mots
dans mes chansons. Une chanson appelée Message chiffré,
uniquement avec des chiffres. Ça m'a été
inspiré par les techniques de Fellini qui demandait à
ses acteurs de ne pas dire de textes mais des nombres.
- Ce qui est très frappant aussi,
c'est cette espèce d'errance interlope...
P. P. : Je voulais titiller les
gens. Pourquoi toutes ces choses-là, qui sont dans la littérature
la plus admise, ne sont pas dans la chanson ? Je suis très
féroce, très critique pour la chanson. Je trouve
qu'elle est mensongère, qu'elle a une veulerie d'expres-sion.
À un moment on peut peut-être quand même dire
des choses? Les thèmes premiers que Fassbinder m'a donnés
pour Ingrid Caven m'ont guidé : c'étaient des textes
très "raides" (sur la prostitution) avec des
mots très forts.
- Vous ne voulez surtout pas ressembler
à ces auteurs qui " cherchent à plaire "
?
P. P. : Non, je ne suis pas un caméléon...
Et si on me parle de technique je ne sais pas répondre.
Mais il y a un exercice que j'aime beaucoup: la revisitation.
Par exemple quand j'écris une nouvelle Pocharde pour Juliette.
C'était une chanson de la fin du siècle dernier
: la " revisitation" n'est possible qu'avec la culture
!
PROPOS RECUEILLIS PAR CHANTAL GRIMM
ECRIRE & EDITER N° 25 - 20 JANVIER AU 20 MARS 2000
Avec l'aimable autorisation de Ecrire&Editer n°25:
http://www.calcre.com/cat/mag/e25.htm
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