Diffusion le 17 Janvier 1999 soirée THEMA René Clair.
Poète, cinéaste, académicien et humoriste, René Clair incarne un certain esprit à la française, mélange d'ironie et de popularité, de fantaisie et de mélancolie, d'avant-garde et de classicisme. ARTE rend hommage à ce génie atypique -dont on fête cette année le centenaire de la naissance - avec deux films (Le Silence est d'or et Paris qui dort) et un portrait inédit.
Le Regard Clair
Documentaire de Pierre Philippe
(1998-1 h25mn)
D'après Le Mystère René Clair de Pierre Billard
(Plon, 1998)
Coproduction: La Sept ARTE, On Une Productions, Bibliothèque
nationale de France
Chansons interprétées par Judy Cehmm et Nicolas
Reggiani
Poète, journaliste, critique, académicien et humoriste: René Clair est un personnage aux multiples facettes. Pierre Philippe brosse son portrait en quatorze chapitres illustrés par des extraits de films, des images d'archives et des chansons interprétées par Judy Cehmm et Nicolas Reggiani.
Pierre Philippe nous fait redécouvrir René Clair. Il nous propose un regard sur ses différentes facettes: celui de l'homme pour qui l'amitié est une source vive, amitié qu'il ne cesse de porter à l'écran. Celui d'un cinéaste aux succès avérés et qui pourtant dissimulait une personnalité pleine de doutes et de blessures. Celui d'un passionné du spectacle et de l'art, dont la vie est rythmée par l'opéra, les ballets et la poésie. Celui d'un parolier qui, accompagné de son ami George Van Parys, nous a laissé des chansons populaires inoubliables, ici réinterprétées par le duo Judy Cehmm et Nicolas Reggiani. Témoignage d'admiration et de respect à cet homme dont il nous semble que nous ne savions rien, Le Regard Clair est un récit sur fond d'Histoire - illustré par des images d'archives - et de musique qui dépeint avec intelligence, un homme contradictoire et talentueux. uvre de mémoire pour ceux qui ont la mémoire courte.
Du dadaïsme à la pataphysique
Enfant des Halles et fils de commerçants, René Chaumette
est déjà attiré par le théâtre
guignol, les ballets et l'opéra. Sur fond de première
guerre mondiale, il passe une adolescence érudite, s'éprend
de poésie et écrit des textes satyriques sur la
grande boucherie. La paix revenue, il s'immisce dans le monde
du spectacle. Premier pas qui annonce une marche vers la célébrité:
Acteur puis, critique de cinéma à Comédia,
il devient bientôt un réalisateur aux inspirations
dadaïstes. Malgré les réticences, les échecs
et les Projets non aboutis il ne cesse d'affiner un style où
le rêve côtoie l'amertume - Lazare Meerson, son décorateur
attitré y est pour beaucoup. Mais la seconde guerre n'est
pas loin. Exilé aux États Unis où il tourne
La belle ensorceleuse (1941), il reviendra à Paris en 1945,
date à partir de laquelle il s'affirme comme le maître
de la comédie musicale notamment avec Le Silence est d'or
1960 marque la fin de sa carrière cinématographique.
Retraite qu'il met à profit pour entrer à l'académie
françaises et au collège de Pataphysique où
il intègre le service des canulars, Il meurt en 1981.
Avec René Clair.
Le René Clair que nous admirons, que nous aimons, n'aura jamais cent ans, comme sa biographie voudrait nous le faire croire.
Pour nous qui avons la mémoire longue et le mépris des modes, il est l'éternel jeune cinéaste qui a donné au cinéma français bien plus que quelques chefs-d'uvre répertoriés, une véritable dimension autre, le mariage harmonieux du film avec la chanson populaire, l'opéra et la poésie la plus subtile, sans parler de l'imagerie parisienne qu'il a su - avec son décorateur Lazare Meerson -porter jusqu'au mythe.
C'est pourquoi, lorsque la chance me fut
offerte de lui rendre hommage sur une chaîne aussi peu conformiste
qu'ARTE, je ne songeai pas un instant à fabriquer l'un
de ces " grands " documentaires plein de respect et
de componction, mais décidai de m'approcher plus près
de lui (et tenter donc d'en approcher également le téléspectateur)
grâce à des recettes éprouvées par
lui-même: refus d'une temporalité rigide, légèreté
(je l'espère) de la touche, sinuosité de la dramaturgie
et - surtout - présence de la musique, cette musique à
la force ailée grâce à laquelle la tragédie
qu'est nécessairement toute vie humaine se pare d'une poésie
mélancolique et charmeuse.
Voilà pourquoi nous saluerons, ici, ce vert centenaire
d'un " regard clair,, éclaté en quatorze croquis,
en quatorze chansons, en quatorze approches d'un homme entre tous
secret et qui, probablement ne voyait pas sans quelque amère
satisfaction se dessiner de lui une figure de sécheresse
et de froideur, alors que de toute évidence se dissimulait
derrière cette caricature un homme plein de doutes, couturé
d'échecs, un homme blessé à vie, mais pour
qui l'amitié de quelques-uns fut une source vive.
C'est ce René Clair là à la recherche de
qui je suis parti, après la lecture du Mystère René
Clair de Pierre Billard, une très éclairante enquête
sur un artiste dont tout le monde croyait tout savoir et dont,
justement, personne ne savait rien
Qu'avec ce trousseau de quatorze clés on puisse voir et
revoir ses films et en tirer de nouvelles beautés, voilà
quel est mon désir et quel serait mon orgueil.
Pierre Philippe
René Clair par Bronja
Clair
entretien de Dominique Rabourdin réalisé par Pierre
Philippe (1998 - 15mn) une coproduction La Sept ARTE - ON LINE
Productions
Le regard à la fois aigu et très émouvant de Bronja sur son mari, de leur rencontre en 1924 aux fastes de l'Académie française.
Au début des années 20, Bronja et sa sur vivent à Montparnasse, rue Campagne-Première, dans le même immeuble que Picabia. "Un jour, raconte Bronja, il nous demande si nous sommes libres le soir. Nous ne faisions rien. Picabia nous propose alors d'aller au Théâtre des Champs-Élysées voir un ballet suivi d'une projection." Le film, intitulé Entracte, se fait huer mais plaît aux jeunes filles. Picabia les invite alors à dîner avec le réalisateur, René Clair. "Ma sur le trouvait bel homme, poursuit Bronja, mais ce n'était pas mon genre..." Quelques temps plus tard, Picabia lui propose de poser nue pour une séance photo. Bronja, qui n'a pas payé sa chambre depuis trois mois, accepte. Elle doit incarner Ève, Marcel Duchamp Adam, et c'est Man Ray qui réalise la photo! René Clair, resté en coulisses, la prend aussitôt sous sa protection...
En coulisses
Bronja Clair a passé cinquante-deux ans auprès de
René Clair. Aussi sait-elle de quoi et de qui elle parle
lorsqu'on l'interroge sur son grand homme, admiré depuis
Entracte et qu'elle a accompagné jusqu'aux fastes de l'Académie
Française. Parce qu'elle est douée d'une remarquable
faculté de renouveler le récit d'histoires qui font
désormais partie de la légende culturelle, parce
qu'elle y apporte les couleurs d'un accent aussi délicieux
qu'indéfinissable, parce qu'enfin elle sait y installer
un "understatment" délectable, cet interview
de Bronja Clair est bien plus qu'un portrait télévisuel
de plus: peut-être la quinzième clé du trousseau
composé parle document qui précède.